STREET ART + CINEMA est une base de données qui met en avant le travail d’artistes urbains à travers le monde s’inspirant du 7ème Art. Créée en 2013, elle est composée, au 1er novembre 2015 de 1290 photos d’art urbain, inspiré par 322 films et 170 stars du cinéma et réalisés par 241 artistes (identifiés) dans 208 villes et 40 pays.
Les oeuvres fortement cinématographiques de l’artiste de rue AKSE P19 font bien sûr partie de la base de données Street Art + Cinema.
Akse est un artiste français d’origine vietnamienne basé à Manchester depuis 1997. Il a commencé à peindre en 1992 et est devenu membre du P19 Crew (fondé par Pest) en 1993. Il a débuté par le graffiti et s’est ensuite spécialisé dans la réalisation de portraits de personnages célèbres. En 2011, il lance le projet “Psychopaths Project”, un hommage personnel au 7ème Art, grâce auquel il va offrir aux rues de villes telles que Manchester, Londres, Liverpool, Blackpool au Royaume-Uni, Arrasate au Pays Basque ou Brno en République Tchèque des représentations d’acteurs, célèbres pour leur rôle de tueurs. Récemment Akse a aussi laissé sa trace à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis, en réalisant un portrait de Sir Sean Connery dans le rôle de James Bond.
. Où es-tu né et où as-tu grandi? Y avait-il du street art/graffiti dans les rues de ton enfance?
Je suis né dans les Hauts-de-Seine (92) et ai grandi dans l’Essonne (91) dans la banlieue sud de Paris. Je pense qu’il y avait plus de graffiti (Tags, Graffs) que de street art à l’époque, du moins c’est ce qui attirait plus mon attention.
. Qu’est-ce qui est entré en premier dans ta vie, le cinéma ou le street art? et comment? quels sont les premiers films qui t’ont marqués? les premières oeuvres de rue qui ont attiré ton attention?
Le cinéma est rentré en premier dans ma vie. Ça remonte à mon enfance avec les films classiques américains de la dernière séance dans les années 80 que je regardais en famille, ainsi que les films d’arts martiaux (Bruce Lee, Jackie Chan, Shaolins…) avec lesquels j’ai grandi. Mais c’est à l’adolescence que ma passion pour le cinéma s’est développée. Le film qui m’a marqué à cette époque a été “DEAD POET SOCIETY (Le Cercle des Poètes Disparus, Peter Weir, 1990), le personnage de Keating, grâce à la performance de Robin Williams, m’a beaucoup touché. C’est d’ailleurs ce film qui m’a encouragé à regarder les films étrangers uniquement en version originale afin de pouvoir vraiment apprécier la performance des acteurs.
Les premières oeuvres de rue qui ont attirées mon attention sont les Tags et Graffs sur la ligne B du RER. Rien a voir avec le cinéma, plus mon attrait pour le mouvement hip-hop qui m’a fait rentré dans le Graffiti.
. Dans quelles circonstances es-tu devenu toi-même un artiste?
J’ai commencé à dessiner dès le plus jeune âge, donc ca été une progression naturelle. Je copiais des personnages de BD (Lucky Luke, Spirou,…puis Gotlib plus tard) ou dessin animés (Albator, Goldorak…). Puis à l’adolescence je me suis intéressé au mouvement hip-hop et évidemment le Graffiti m’a tout de suite attiré: le flow des lettres pour les Tags (pour moi c’est de la calligraphie) et les lettrages, ainsi que les couleurs très vives. Evidemment avec ma passion pour le dessin j’ai vite été séduit par les personnages (B-boys). J’ai d’abord pratiqué sur papier pendant quelques années et en 1992 j’ai pris la bombe. J’allais souvent au “transfo” de Palaiseau ou les graffeurs de la région peignaient souvent (P19, NTC…). Un ami du lycée VINO était P19 et m’a fait rencontré PEST. Apres quelques sorties ensemble, je suis rentré P19 en 1993. C’est avec ce crew que j’ai évolué jusqu’à 1997, particulièrement avec PEST, TCHO, LEGZ, CHIZY, et évidemment avec les autres membres comme PENER, DOVER, MAKE B, SPYR, SEYT. J’ai ensuite bougé à Manchester. Ne connaissant personne sur place, je peignais rarement, alors que mon crew évoluait énormément avec les nouveaux membres comme LOOP, JONBUZZ, DUME, BAB2 et SKRED. C’est peut-être ce qui m’a fait dérivé progressivement vers le street art, ainsi que l’envie de faire découvrir mon art à une plus grande audience.
. Quelles sont les différentes techniques que tu as utilisées jusqu’à aujourd’hui et qu’elle(s) est/sont les techniques/supports où tu te sens le plus à l’aise?
Ayant commencé comme graffeur, j’ai toujours peint “freehand” (c’est a dire sans aide comme les pochoirs par exemple). A l’époque il y avait juste des skinny caps pour faire des traits fins et des fatcaps (« Decap fours ») pour recouvrir de grande surface. En 2007 un ami graffeur de Manchester DABL m’a montré comment fabriquer les “stencil caps” pour tracer des traits extrêmement fins. Cela m’a énormément aidé pour gérer la texture et les détails de mes portraits. A Manchester, il y a beaucoup de murs en brique, c’est la raison pour laquelle je peins beaucoup sur ce type de surface, mais je préfère les surfaces lisses car le rendu « réaliste » ressort mieux.
. Travailles-tu toujours seul ou parfois en collaboration avec d’autres artistes? et si oui lesquels, où et pourquoi?Comme dit plus haut, j’ai commencé le graffiti avec les P19 donc on peignait toujours en groupe à notre terrain. Mais depuis que je suis à Manchester je peins seul en général, bien que je collabore de temps en temps avec des graffeurs et street artists avec lesquels je me suis liés d’amitié; Par exemple KELZO, DABL et RUSE de Manchester, ADOR que j’ai rencontré par hasard à Manchester en 2012, et REMAK et SOR2 du pays basque espagnol que j’ai rencontré au Festival “Sand Sea and Spray” à Blackpool en 2013.
. Travailles-tu différemment suivant la ville/le pays où tu laisses ton empreinte?
Pas spécialement, mais j’essaie d’adapter mes sujets suivant la ville/le pays ou je peins. Par exemple, lors que j’ai participé au Festival Esprit Bat7a organisé par Kif Kif International en 2013 à Ben Arous en Tunisie, j’ai peint le portrait d’un cyberdissident local qui avait lutté en faveur de la liberté d’expression. De même lorsque je suis allé peindre à la Cannabis Cup à Denver en Avril dernier, j’ai peint un portrait de Snoop Dogg, qui était d’ailleurs présent. Mon portrait du réalisateur Alex de la Iglesia à Arrasate était aussi choisi intentionnellement de par ses origines basques.
. As-tu déjà travaillé en France ou au Vietnam, tes deux pays d’origine? et si non, aimerais-tu y travailler? connais-tu notamment la situation du street art en Asie du Sud Est?
Je n’ai visité le Vietnam qu’une seule fois (en 2004) dans le but de découvrir le pays de mes parents. Je n’ai donc pas eu l’occasion d’y peindre mais ai l’intention d’y laisser mon empreinte durant ma prochaine visite. Je ne connais pas vraiment la situation du Street Art en Asie du Sud Est.
. Y a-t-il des endroits du monde où tu rêves de laisser ton empreinte?
Oui, a New York!
. Comment est né le Psychopaths Project? Est-il toujours en cours et si oui quels seront tes prochains portraits?
Le Psychopaths Project est né de ma passion pour le 7eme art, un hommage personnel aux acteurs/réalisateurs que j’admire. Pour moi les performances les plus intéressantes d’acteurs sont celles ou ils jouent des rôles de dérangés/psychos, c‘est pour cette raison que j’ai intitulé ce projet « Psychopaths Project ». Mon premier portrait fut celui de John Malkovich en 2011 sur le mur d’une galerie dans le quartier de Hulme. Cette galerie est isolée au milieu d’un parking désaffecté au bord du Mancunian Way (périphérique de Manchester), et l’ambiance « abandonnée » du lieu m’a inspirée pour peindre un portrait de « psychopathe ». J’avais d’ailleurs rajouté un texte à coté : « John is watching you ». Par contre la ressemblance laissait à désirer et c’est la raison pour laquelle j’ai repeint un portrait de Malkovich à Londres dans le quartier de Bricklane deux ans plus tard. Mon 2eme portrait fut celui d’Anthony Hopkins avec le symbole de l’émission « Masterchef » en plein centre ville de Manchester dans le Northern Quarter. Cette fois-ci j’avais intitulé la pièce « Masterchef Winner 1991 », un clin d’œil au « SILENCE OF THE LAMBS (Le Silence des Agneaux, Jonathan Demme, 1991) ». A cette époque j’étais très influencé par les caricatures de Sebastian Kruger et Derren Brown, ce qui explique mon obsession à déformer les proportions du visage, les étirer surtout au niveau du front; mais après quelques autres tentatives (Jack Nicholson et Christopher Walken), je me suis remis à respecter les proportions d’origine car la ressemblance en souffrait, je n’ai pas eu la patience ni le courage de persister dans cette direction. Depuis 2011, j’ai du peindre presque une vingtaine de portraits. J’ai une longue liste de sujets que je souhaite peindre donc ce projet n’est pas prêt de se terminer.
. Il n’y a pas de Psychopaths Women dans ta galerie de portraits. Est-ce un choix ou un oubli?
Ni un choix, ni un oubli, juste un hasard. J’ai d’ailleurs commencé un portrait de Kathy Bates dans le rôle d’Annie Wilkes du film MISERY (Rob Reiner, 1990) le mois dernier. Je n’ai pas eu encore l’occasion de le finir car d’autres projets se sont présentés entre temps mais je compte le terminer avant Noel. J’ai d’autres actrices sur ma liste : Tilda Swinton, Cate Blanchett…
. Comment choisis-tu l’acteur/réalisateur à qui tu vas rendre hommage? est-ce plutôt lié à ton ressenti vis-à-vis d’un film en particulier ou à ton ressenti face au traits du visage du personnage?
A la base je voulais rester générique et ne pas cibler des personnages de films en particulier. Mais avec le temps je n’ai pas pu y échapper car certaines performances vallent la peine de rendre hommage (par exemple Jules Winfield de PULP FICTION (Quentin Tarantino, 1994), un de mes films préférés. Les traits du visage ont aussi leur importance mais uniquement dans la sélection de l’image de référence, ils ne sont pas un critère de sélection du sujet.
. A part les films étiquetés “Serial Killers”, quel(s) autre(s) cinéma(s) aimes-tu et y a-t-il d’autres facettes (époque/style/pays) du 7ème Art qui pourraient influencer ton travail dans l’avenir? si oui lesquelles?
J’ai découvert le cinéma espagnol et d’Amérique latine en 1997 à Manchester grâce à un festival ¡Viva! qui s’y déroule depuis 20 ans. J’avais déjà été initié à Almodovar au début des années 90’s mais ce festival m’a fait découvrir des réalisateurs et acteurs que je ne connaissais pas à l’époque. Dans le cadre de ce festival j’ai assisté à beaucoup de Q&A avec de nombreux réalisateurs/acteurs dont Alex de la Iglesia, Candela Peña, Julio Medem, Diego Luna, Pablo Berger, Mateo Gil…
J’ai aussi découvert le cinéma coréen avec MEMORIES OF MURDER (살인의 추억, Bong Joon-ho, 2003). Bien que ce film reste dans le thème “serial killer”, cela m’a incité à regarder d’autres films coréens comme JOINT SECURITY AREA (공동경비구역, Park Chan-wook, 2000) , THE GOOD, THE BAD & THE WEIRD (좋은 놈, 나쁜 놈, 이상한 놈, Kim Jee-woon, 2008), MOTHER (마더, Bong Joon-ho, 2010), BREATHLESS (똥파리, Yang Ik-Joo, 2008)… D‘ailleurs Song Kang-Ho est devenu un de mes acteurs favoris et est depuis longtemps sur ma liste.
. Y a-t-il des films que tu aimes particulièrement en tant que spectateur mais qui te paraissent incompatibles avec le street art et pourquoi?
Personnellement je ne pense pas qu’il existe une incompatibilité entre le cinéma et le street art, il n’y a pas de limites, chaque artiste a ses propres influences et est libre de s’exprimer comme il le ressent. C’est ce qui rend ce mouvement intéressant.
. Quels sont tes projets en cours et à venir?
Je viens de terminer le portrait du footballer Wayne Rooney pour la FA (L’Association de Football d’Angleterre) à Wembley le mois dernier pour célébrer son record du plus grand nombre de buts marqués pour l’équipe d’Angleterre (qui avait été détenu pendant 46 ans par Sir Bobby Charlton, un autre joueur de Manchester United). La toile est exposée en permanence au stade de Wembley. L’hiver arrive donc c’est une période assez calme. J’ai été contacté pour différents projets (grands murs, documentaires…) mais rien de concret pour l’instant donc on verra ce que 2016 me réserve. Sinon dans l’immédiat je vais sortir des prints en édition limitée d’ici quelques semaines d’une toile que j’avais peinte en 2013. Le sujet n’a rien à voir avec le cinéma par contre, c’est le portrait d’un « homeless », une interprétation d’une photo de Lee Jeffries (aussi de Manchester) que j’avais contacté il y a 2 ans.
AKSE P19 sur STEET ART + CINEMA – http://www.streetartcinema.com/#!aksep19/c1izf
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AKSE P19 – http://www.akse-p19.com/